Mathias Enard et le karma du Poitou.Les Echos
Tout commence par une carte. Au bord de l'Atlantique : des routes, des rivières, des noms familiers comme Poitiers ou La Rochelle, d'autres moins connus tels Coulonges-sur-l'Autize ou Mauzé-sur-le-Mignon… le septième roman de Mathias Enard raconte un territoire.
David Mazon, thésard, étudie la vie rurale dans les Deux-Sèvres. Sur sa Mobylette, il sillonne la région, fréquente les bistros, interviewe les gens du cru. Il en apprendra moins que le lecteur. Car, passé les premières pages, Enard nous embarque dans la Roue du temps, à travers une myriade de réincarnations. Passent sur la Charente Clovis et la fée Mélusine, un sanglier ou même une punaise qui piqua Napoléon… Voilà ce que cachait la carte du Marais poitevin : des histoires, des milliers d'histoires !
Babel de pâte à choux
Le nouveau livre de l'auteur de « Boussole » s'ouvre sur une citation du Bouddha. Sa truculence évoque les romans campagnards de Mo Yan, et notamment « La Dure Loi du karma » (Seuil, 2009). Néanmoins, la piste asiatique ne mène pas bien loin. Le bouddhisme fait surtout figure d'astuce exotique pour raconter notre propre pays : la France, telle qu'elle s'est constituée par la littérature. On rencontrera pêle-mêle Balzac, Dumas, Pierre Loti, François Villon… Jusqu'au fameux chapitre qui donne son titre à l'édifice. Fabuleux « Banquet » des sieurs Sèchepine, Grosmollard et Bittebière ; gargantuesque orgie de vocabulaire, desserts et plats de résistance, Babel de pâte à choux, gigots, fourme d'Ambert et grenouilles… en tout soixante-dix pages gargantuesques qui intronisent Rabelais comme père des écrivains français !