Rushdie Salman
Salman Rushdie Ahmed Salman Rushdie, né le 19 juin 1947 à Bombay, est un écrivain britannique d'origine indienne. Son style narratif, mêlant mythe et fantaisie avec la vie réelle, a été qualifié de réalisme magique. Objet en 1989 d'une fatwa de l'ayatollah Rouhollah Khomeini à la suite de la publication de son roman Les Versets sataniques, il est devenu un symbole de la lutte pour la liberté d'expression et contre l'obscurantisme religieux, principalement dans les médias occidentaux.
Issue d'une famille aisée, Salman Fredich Rushdie quitte son pays à l'âge de treize ans pour vivre au Royaume-Uni. Il y étudie à la Rugby School puis à King's College, Cambridge. Il travaille un temps comme publicitaire chez Ogilvy & Mather. Sa langue maternelle est l'ourdou, mais la majeure partie de son œuvre est écrite en anglais. Sa carrière d'écrivain débute avec Grimus (en), un conte fantastique, en partie de science-fiction qui passe inaperçu de la critique littéraire. En 1981, il accède à la notoriété avec Les Enfants de minuit (Midnight's Children) pour lequel il est récompensé du James Tait Black Memorial Prize et le Booker Prize. Les Enfants de minuit a plus tard été désigné comme le meilleur roman ayant reçu le prix Booker au cours des 25 puis des 40 dernières années. En 1983, il est choisi par la revue littéraire Granta pour figurer dans son premier numéro consacré aux « meilleurs jeunes romanciers britanniques », avec Ian McEwan, Martin Amis, Kazuo Ishiguro et Graham Swift. Après ce succès, Rushdie écrit un roman, La Honte (Shame), dans lequel il décrit l'agitation politique au Pakistan et dont les personnages sont inspirés de Zulfikar Alî Bhutto et du général Muhammad Zia-ul-Haq. En 1988, la publication des Versets sataniques soulève une vague d'indignation dans le monde musulman. En novembre 1993, à la suite d'une vague d'assassinats d'écrivains en Algérie, il fait partie des fondateurs du Parlement international des écrivains (International Parliament of Writers), une organisation consacrée à la protection de la liberté d'expression des écrivains dans le monde. L'organisation est dissoute en 2003 et remplacée par l'International Cities of Refuge (ICORN). Depuis 2000, il vit à New York et acquiert la nationalité américaine. En 2004, il se marie (pour la quatrième fois) avec le mannequin et actrice indienne Padma Lakshmi. Trois ans plus tard, ils divorcent.
La publication des Versets sataniques en septembre 1988 déclenche immédiatement une vive réaction dans la communauté musulmane en raison de sa description jugée irrévérencieuse du prophète de l'islam Mahomet. Le livre décrit un prophète de Dieu nommé « Mahound » qui mélange des « vers sataniques avec le divin ». L’Inde bannit le livre dès le 5 octobre, imitée par l’Afrique du Sud le 24 novembre, puis par le Pakistan, l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Somalie, le Bangladesh, le Soudan, la Tunisie, la Malaisie, l’Indonésie et le Qatar les semaines suivantes. Le 14 janvier 1989, le roman est l'objet d’un autodafé à Bradford au Royaume-Uni. Le 12 février, cinq personnes sont tuées par la police pendant une manifestation à Islamabad contre l'ouvrage. Le 14 février 1989, une fatwa réclamant l’exécution de Rushdie est émise sur Radio Téhéran par l’ayatollah Rouhollah Khomeini, guide de la révolution de l’Iran, dénonçant le livre comme « blasphématoire » envers l’islam. Comme le roman suggère que Rushdie ne croit plus en l’islam, Khomeini le condamne aussi pour apostasie, ce qui, selon l'interprétation actuelle majoritaire d'un hadith, est passible de mort. Khomeini précise que c’est désormais la responsabilité de tout musulman d’exécuter Rushdie et ses éditeurs : « Au nom de Dieu tout puissant. Il n'y a qu'un Dieu à qui nous retournerons tous. Je veux informer tous les musulmans que l'auteur du livre intitulé Les Versets sataniques, qui a été écrit, imprimé et publié en opposition à l'Islam, au prophète et au Coran, aussi bien que ceux qui l'ont publié ou connaissent son contenu, ont été condamnés à mort. J'appelle tous les musulmans zélés à les exécuter rapidement, où qu'ils les trouvent, afin que personne n'insulte les saintetés islamiques. Celui qui sera tué sur son chemin sera considéré comme un martyr. C'est la volonté de Dieu. De plus, quiconque approchera l'auteur du livre, sans avoir le pouvoir de l'exécuter, devra le traduire devant le peuple afin qu'il soit puni pour ses actions. Que Dieu vous bénisse tous. » — Rouhollah Musavi Khomeini À la suite de cette déclaration, une récompense est offerte pour la mort de Rushdie, qui est contraint de vivre dès lors sous une protection financée par les autorités britanniques. Le 24 septembre 1998, le gouvernement iranien annonce officiellement son renoncement à accomplir la fatwa, mais déclare qu'elle ne pouvait être annulée selon la loi islamique. Même si la menace de mort qui pèse sur lui n'est pas pour autant relevée, Rushdie abandonne alors son nom d'emprunt Joseph Anton. Le 24 février, cinq personnes sont tuées par la police lors d'une manifestation devant le consulat britannique à Bombay. Plusieurs autres personnes sont mortes en Égypte et ailleurs. Des communautés musulmanes organisent des autodafés publics. Des violences sont commises à travers le monde : Attentats contre des librairies à l’université de Californie à Berkeley qui proposait le roman et contre les bureaux de Riverdale Press, un hebdomadaire du Bronx, en réponse à un éditorial qui défendait le droit de lire le livre. Le 11 juillet 1991, le traducteur japonais de Rushdie Hitoshi Igarashi est poignardé à mort à l'université de Tsukuba, province d'Ibaraki, où il enseignait ; son traducteur italien a été poignardé à Milan quelques jours plus tôt. En octobre 1992, il fait sa première apparition publique depuis la fatwa lancée contre lui, à Helsinki, dans le cadre de l’assemblée annuelle du Conseil nordique, au côté de Bernard-Henri Lévy, qui lui cédera son temps de parole. En 1993, à Oslo, l'éditeur norvégien de Rushdie, William Nygaard, survit de justesse à plusieurs coups de feu. Le 2 juillet 1993, trente-sept personnes sont tuées lorsque leur hôtel à Sivas en Turquie est incendié par des manifestants contre Aziz Nesin, le traducteur turc de Rushdie. Deux ecclésiastiques, saoudien et tunisien, qui avaient dénoncé la fatwa sont abattus à Bruxelles. Le musicien pop Cat Stevens — converti à l'islam depuis 1977 et ayant pris le nom de Yussuf Islam — déclara être lui-même opposé aux écrits de l'écrivain et ne montrer aucune opposition à la fatwa. La controverse soulevée par cette déclaration le poussa à préciser dans un communiqué qu'il n'encourageait pas personnellement l'application de la fatwa appelant à l'assassinat de Rushdie. Après la mort de Khomeini en 1989, Rushdie a publié un essai en 1990, De bonne foi, en signe d’apaisement et a publié des excuses dans lesquelles il a réaffirmé son respect pour l’islam. En 1999, l'État iranien a annoncé qu'il renonçait à appliquer la fatwa, ce qui n'empêche pas l'ayatollah Hassan Saneii, à la tête de la fondation Khordad (bonyad-e punzdah-e khordad, soumise à l'autorité du guide de la révolution de l'Iran), de lancer régulièrement des annonces de primes pour la mort de Rushdie. Ainsi, déclare-t-il en 2003 qu'il augmentait la récompense de 2,8 millions de dollars US à 3 millions de dollars US10. Le même groupe déclare le 14 février 2006 par communiqué de presse : « La fatwa de l'imam Khomeiny à propos de l'apostasie de Salman Rushdie restera en vigueur éternellement ». En septembre 2012, il porte la récompense pour le meurtre de Salman Rushdie à 3,3 millions de dollars US13. En juin 2007, Salman Rushdie est anobli et titré chevalier par la reine d'Angleterre. Cette distinction provoque la colère du Pakistan. Une résolution est votée par le parlement pakistanais exigeant le retrait de ce titre. Le ministre des Affaires étrangères, Ijaz Ul-Haq, estime que cette décoration pourrait justifier des attentats-suicide. Ces protestations officielles sont accompagnées de manifestations au Pakistan où des effigies de la reine Élisabeth II et de Salman Rushdie sont brûlées. L'Iran condamne également cette distinction et des voix politiques et religieuses rappellent que la fatwa contre l'écrivain est toujours en vigueur. D'autres réactions ont eu lieu en Égypte, en Malaisie, en Afghanistan et en Inde.