En moins de quatre-vingts pages, Marie-Hélène Lafon décrit une vie de femme, d’abord heureuse jeune fille puis épouse saccagée. Elle ramasse ses phrases en bouquet serré, dit l’essentiel sans une once de gras, empêchant le lecteur de respirer tant la violence presque muette est palpable. Puis, vient le tour du mari de s’exprimer. Nous sommes à présent en 1974, Giscard vient d’être élu. Il dort seul depuis sept ans. Au début, il a pensé qu’elle allait revenir, « il croyait la tenir ». Quand il pense à elle, il a « un goût de fer froid dans la bouche », mais pas de remords, juste des ruminations… En donnant sa place à l’époux, Marie-Hélène Lafon creuse une histoire sans paroles. La situation des hommes et des femmes à la campagne, les années 1970 qui bousculent les mentalités, la solitude masculine, les filles qui vont faire des études en ville et ne rentrent pas souvent.
Les sources . télérama
Ne pas bouger, n’émettre aucun bruit, disparaître. Elle sait le faire depuis son mariage, il y a huit ans. Elle a maintenant la trentaine, trois enfants, une belle ferme et un conjoint qui ne retient pas ses coups, frappe le ventre, cogne les jambes. Heureusement, dimanche, elle descend à Fridières, dans sa famille, avec lui et les petits. « Elle voudrait être contente, on sera chez elle, de son côté, on pourra rire et parler fort, il n’aura pas le dessus. » Nous sommes en 1967, le samedi 10 juin, et elle repasse le linge, juste avant la grande toilette du soir dans la bassine, puis la préparation du repas, la nuit et ses contraintes. La peur rôde, elle ferme les yeux et pense à demain, à ce qu’elle décidera, mais pas question de s’alanguir.