La cour de Babel
Ils ont entre 11 et 15 ans. Youssef, Oksana, Yong, Felipe... Leurs prénoms racontent le long voyage qui les a arrachés au pays de leur enfance et menés jusqu'à Paris, dans une classe d'accueil pour primo-arrivants. Julie Bertuccelli (L'Arbre, Depuis qu'Otar est parti...) les a filmés tout au long de cette année, entre une vie et l'autre, entre ailleurs et ici.
A quelques plans près — la cour de récré, où défilent les saisons —, tout se passe dans la classe, « entre les murs » de l'école de la République. Comme dans le film de Laurent Cantet, c'est là que s'animent les visages, que fuse la parole, que coulent aussi, parfois, quelques larmes. La comparaison entre ces deux huis clos scolaires s'arrête là.
La Cour de Babel est un doc lumineux qui, loin du bilan éducatif plutôt amer d'Entre les murs, rend hommage au cocon qu'est la classe d'accueil, où les enfants apprennent le français, confrontent leur déracinement à ceux des autres, avant de repartir en section « normale ». On se laisse happer par la chronique de cet attachant melting-pot juvénile, qui devient, jour après jour, un groupe soudé, une petite république de l'espoir. Julie Bertuccelli réussit un tour de force : nous offrir une vraie grande aventure dans ce tout petit espace où la France est encore un pays d'accueil. — Cécile Mury