Ladivine. Marie Ndiaye
Ladivine, roman époustouflant de beauté et saisissant d'anxiété diffuse, auquel Marie NDiaye, par le moyen d'une écriture somptueusement travaillée, savamment bousculée, toujours profondément agissante, insuffle une authentique puissance narrative, tout en drapant les êtres et les faits d'un voile de mystère.
Quel est le vrai visage d'un individu ? L'aperçoit-on jamais derrière les grimaces qui le tordent et sous les masques qui le dissimulent ? L'interrogation court au fil des pages de Ladivine. Pour y répondre, Marie NDiaye n'a pas recours à la psychanalyse, non plus qu'à la sorcellerie. Pas de métamorphose ici, pas de fantôme ou d'apparition comme on a pu en observer naguère dans ses romans — peut-être, quand même, ce grand chien brun aux aguets qui semble veiller, comme un ange gardien, sur les trois femmes... Pas de fantastique, non, mais un réalisme poreux aux effets des pensées non dites, des pulsions enfouies, des désirs avortés, des rêves éloquents dont il ne reste au matin que des bribes incohérentes que la raison ne sait interpréter — mais auxquelles la romancière, elle, creusant en profondeur les pensées et les entrailles de ses personnages, sait donner tout leur sens.Télérama
Pour qui chaque livre de Marie NDiaye est un rendez-vous attendu avec la littérature, «Ladivine» sera, par son phrasé particulier, lent, complexe, où chaque phrase est juste parce qu'elle s'articule à l'ensemble, un nouvel enchantement: il y est question de déchéance, de passion et de crime, d'origines cachées et de rêves candides, de l'abandon cauchemardesque à l'inexorable vertige de la chute. Un théâtre de la cruauté mystique et mystérieux, sensuel et souverain, qui place en tout cas l'auteur, dans le paysage romanesque français, très au-dessus de la production du confrère. C'est une ronde maléfique, schnitzlérienne, qui étourdit et laisse par terre. Son meilleur livre ? Son Chanel n° 5 en tout cas, chant narratif épuisant qui concentre et recèle l'or très noir de son écriture.
Didier Jacob Nouvelobs