LE PRIX JEAN ARP DE LITTÉRATURE FRANCOPHONE 2015 Jacques ABEILLE
EXPOSÉ PAR PASCAL MAILLARD DES MOTIVATIONS DU JURY DU PRIX JEAN ARP DE LITTÉRATURE FRANCOPHONE
Pourquoi donc Jacques Abeille? Comment dire en quelques mots les motivations du Jury que j’ai l’honneur de coordonner ? Il me semble tout d’abord que le Jury du Prix Jean Arp de littérature francophone a voulu distinguer, selon une orientation qui lui est chère, une œuvre de premier plan, mais insuffisamment reconnue. Celle de Jacques Abeille obéit à une paradoxologie irréductible. Monumentale et trop peu visible encore. Une œuvre profondément unie et pourtant éparpillée chez de multiples éditeurs. Une œuvre radicalement moderne et pourtant, dirait-on, d’une langue parfaitement classique. Enfin une oeuvre de pure fiction, d’un imaginaire exubérant, mais puissante d’un saisissant effet de réel.
Ce qui aura retenu le jury Jean Arp, c’est aussi et bien sûr le fait que Jacques Abeille ne soit pas seulement écrivain. Le professeur agrégé d’arts plastique est aussi peintre, illustrateur de livres, ami des plasticiens et penseur de l’art. Autre heureuse coïncidence avec Jean Arp : le surréalisme est au cœur de son œuvre, pas seulement par l’influence de l’auteur du « Château d’Argol », Julien Gracq ayant été en bien des matières un maître pour lui, mais aussi par un activisme militant jusque dans les année 80 où il participe encore au « Bulletin de Liaison surréaliste ».
Ce prix Jean Arp répare aussi une injustice considérable : comment l’auteur de 40 livres, dont les 8 volumes du « Cycle des contrées », n’a-t-il pas encore été récompensé par un prix littéraire ? L’institution tiendrait-elle rigueur à Jacques Abeille d’être aussi Léo Barthe, personnage de ses romans qui se définit lui-même comme un « écrivain pornographique » ? Nous ne le croyons pas. La malédiction éditoriale ne peut pas non plus expliquer l’injustice, ni l’excuser, au moins depuis que Le Tripode et d’autres éditeurs nous rendent accessibles l’oeuvre majeure de Jacques Abeille commencée maintenant depuis 40 ans. Les Jardins statuaires, certainement sauvés de l’oubli grâce à Bernard Noël, sont, de l’avis unanime de la critique, un grand livre, certains disent un chef d’œuvre. Les 7 volumes qui en ont pris la suite montrent la force d’un écrivain visionnaire, inventeur de mondes.
Jacques Abeille nous ferait songer à un Tolkien qui aurait su écrire dans la langue de Proust, de Breton ou de Gracq. Une langue d’un classicisme rigoureux, d’une prosodie impeccable, d’une syntaxe parfois sans rivage et dont la houle harmonieuse nous fait naviguer sur des mondes rigoureusement inconnus et pourtant si familiers. Jacques Abeille rouvre les sources de notre culture, il est un puisatier de mythes, un arpenteur de l’imaginaire absolu, mais un imaginaire qui a la teneur d’un réel plus vrai que le nôtre.
Celui qui se prétend l’ami de Gérard de Nerval n’a pas démérité de la prose illuminée des Filles du feu. Sa traversée du meilleur surréalisme, loin de la facilité des automatismes et du « stupéfiant image », lui a permis de tremper sa plume dans les puissances d’un rêve sans fin, mais un rêve éveillé qui a l’apparence d’un monde possible, la forme d’une allégorie critique de notre monde et le souffle de la prophétie. La vision est écoute de l’avenir, où la mort et l’amour sont toujours les seules nouveautés. « Le monde va finir » écrivait Baudelaire. Jacques Abeille imagine cette fin, dans une immense allégorie de l’art, de la culture et de l’histoire. Son Cycle des contrées nous fait entendre l’inquiétant murmure du futur.
Pourquoi donc Jacques Abeille? Comment dire en quelques mots les motivations du Jury que j’ai l’honneur de coordonner ? Il me semble tout d’abord que le Jury du Prix Jean Arp de littérature francophone a voulu distinguer, selon une orientation qui lui est chère, une œuvre de premier plan, mais insuffisamment reconnue. Celle de Jacques Abeille obéit à une paradoxologie irréductible. Monumentale et trop peu visible encore. Une œuvre profondément unie et pourtant éparpillée chez de multiples éditeurs. Une œuvre radicalement moderne et pourtant, dirait-on, d’une langue parfaitement classique. Enfin une oeuvre de pure fiction, d’un imaginaire exubérant, mais puissante d’un saisissant effet de réel.
Ce qui aura retenu le jury Jean Arp, c’est aussi et bien sûr le fait que Jacques Abeille ne soit pas seulement écrivain. Le professeur agrégé d’arts plastique est aussi peintre, illustrateur de livres, ami des plasticiens et penseur de l’art. Autre heureuse coïncidence avec Jean Arp : le surréalisme est au cœur de son œuvre, pas seulement par l’influence de l’auteur du « Château d’Argol », Julien Gracq ayant été en bien des matières un maître pour lui, mais aussi par un activisme militant jusque dans les année 80 où il participe encore au « Bulletin de Liaison surréaliste ».
Ce prix Jean Arp répare aussi une injustice considérable : comment l’auteur de 40 livres, dont les 8 volumes du « Cycle des contrées », n’a-t-il pas encore été récompensé par un prix littéraire ? L’institution tiendrait-elle rigueur à Jacques Abeille d’être aussi Léo Barthe, personnage de ses romans qui se définit lui-même comme un « écrivain pornographique » ? Nous ne le croyons pas. La malédiction éditoriale ne peut pas non plus expliquer l’injustice, ni l’excuser, au moins depuis que Le Tripode et d’autres éditeurs nous rendent accessibles l’oeuvre majeure de Jacques Abeille commencée maintenant depuis 40 ans. Les Jardins statuaires, certainement sauvés de l’oubli grâce à Bernard Noël, sont, de l’avis unanime de la critique, un grand livre, certains disent un chef d’œuvre. Les 7 volumes qui en ont pris la suite montrent la force d’un écrivain visionnaire, inventeur de mondes.
Jacques Abeille nous ferait songer à un Tolkien qui aurait su écrire dans la langue de Proust, de Breton ou de Gracq. Une langue d’un classicisme rigoureux, d’une prosodie impeccable, d’une syntaxe parfois sans rivage et dont la houle harmonieuse nous fait naviguer sur des mondes rigoureusement inconnus et pourtant si familiers. Jacques Abeille rouvre les sources de notre culture, il est un puisatier de mythes, un arpenteur de l’imaginaire absolu, mais un imaginaire qui a la teneur d’un réel plus vrai que le nôtre.
Celui qui se prétend l’ami de Gérard de Nerval n’a pas démérité de la prose illuminée des Filles du feu. Sa traversée du meilleur surréalisme, loin de la facilité des automatismes et du « stupéfiant image », lui a permis de tremper sa plume dans les puissances d’un rêve sans fin, mais un rêve éveillé qui a l’apparence d’un monde possible, la forme d’une allégorie critique de notre monde et le souffle de la prophétie. La vision est écoute de l’avenir, où la mort et l’amour sont toujours les seules nouveautés. « Le monde va finir » écrivait Baudelaire. Jacques Abeille imagine cette fin, dans une immense allégorie de l’art, de la culture et de l’histoire. Son Cycle des contrées nous fait entendre l’inquiétant murmure du futur.
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