Cavanna François
Polygraphe français de la seconde moitié du XXe siècle. Auteur de moyenne importance, d'abord journaliste, puis romancier, il se qualifie lui-même de «modeste artisan de la chose écrite». A l'instar des grands businessmen américains, a débuté par d'humbles métiers (postier, maçon, vendeur sur les marchés, etc.) mais lui ne savait pas que ce n'était là que des éléments pittoresques et édifiants de sa future biographie: il croyait chaque fois que c'était pour la vie. Souvent qualifié d'«autodidacte», terme qu'il récuse. Titulaire du certificat d'études primaires et même du brevet élémentaire, il estime avoir été puissamment initié au savoir et à l'appétit d'apprendre par l'école laïque, gratuite et obligatoire. Ne se classe dans aucune tendance littéraire. Est passé à côté du surréalisme, du Nouveau Roman et des autres écoles de son temps sans avoir compris de quoi il s'agissait, sans même avoir compris qu'il y avait des écoles. Dans ses moments d'euphorie, se qualifie lui-même de «loup solitaire», alors qu'il n'est guère qu'un ahuri perdu dans son époque comme il l'aurait été dans n'importe quelle époque. Foncièrement anticonformiste, non par désir de choquer, mais parce que, ainsi qu'il l'affirme, «c'est le conforme qui est illogique, s'accommode des contradictions et viole sans cesse la raison». Cet anticonformisme, souvent véhément dans ses écrits, s'oppose curieusement à sa conduite sociale, marquée par sa timidité foncière et par son horreur de «faire de la peine», ce qui donne une personnalité assez déconcertante. A fondé «Hara-Kiri» (disparu), puis «Charlie-Hebdo» (disparu). A collaboré aux «Nouvelles littéraires» (disparues), à «Zéro» (disparu), etc. (disparu), qu'il a honnêtement contribué à faire crever. Possède cependant un sens aigu des affaires : a beaucoup aimé son papa et, plutôt que de laisser perdre cet amour sans profit pour personne, l'a débité en rondelles contre espèces sonnantes dans une série d'ouvrages («Les Ritals», etc.). Stimulé par le succès de l'entreprise, a débité de la même façon sa maman, ses copains, ses chats, ses chiens, ses femmes... «Tu passes le seuil de Cavanna, tu te retrouves dans un bouquin» (Wolinski). N'a jamais écrit une ligne en dehors de ses strictes obligations professionnelles (écrire le plonge dans un état d'angoisse épouvantable). Peut survivre plusieurs semaines à la lumière artificielle, vautré sur un matelas avec un polar, sans se laver. Ne sait pas : danser (même la danse du tapis), taper à la machine, jouer d'un instrument, skier, monter à cheval, se servir d'une arme à feu, trouver des champignons, reconnaître les vins, se diriger dans La Défense, prendre congé. Sait : trouver la Grande Ourse (mais pas la Petite), mettre la ponctuation, distinguer le passé simple de l'imparfait du subjonctif, dessiner des petits Mickeys, faire la cuisine (mais déteste ça), nager (brasse coulée à la papa), conduire une automobile (mais pas en marche arrière), chanter (faux mais avec beaucoup d'âme), parler aux chats, imiter la guitare hawaiienne avec son nez. Aime : tout ce qui est beau, bon, pur, droit, vrai, franc, grand, loyal, généreux, honnête, les fromages qui puent, les femmes aussi, la bière allemande, les sandwiches saucisson sec-cornichons. Déteste : tout le reste, et en particulier : le vin (ça ressemble trop à la vinasse), les légumes verts, les chasseurs, les pêcheurs à la ligne, les toreros, ceux qui vont voir les toreros, les fourrures, les militaires de carrière, les marchands de drogue, ceux qui n'aiment pas les chats, les chiens, les serpents, les araignées..., Beaubourg, la pyramide du Louvre, la publicité, les astrologues, devins, voyants, gourous, sorciers, guérisseurs et autres curés, les traditions, le point-virgule. Son grand regret : étant suffisamment intelligent pour comprendre à quel point il l'est peu, aurait voulu être TRÈS intelligent. Signe particulier : est immortel (jusqu'à preuve du contraire). François Cavanna (Notice rédigée en 1988 et revue en 2003)