Jusqu’à l’âge de dix huit ans, je n’ai pas quitté Avignon ; J’y ai vécu à la campagne entre Durance et Rhône.
Mes études, je les ai faites dans ma ville natale. Elles ont été bonnes. En même temps je suivais des cours de musique au conservatoire. Car on me destinait à une carrière musicale. Les circonstances m’obligèrent à en choisir une autre, ce fut l’enseignement.
En 1907, je m’inscrivis à la faculté des lettres de Grenoble, et l’institut français de Florence. J’y obtins les diplômes requis jusqu’à l’agrégation. Ensuite, j’ai suivi la carrière professorale (lettres classiques) tant dans le secondaire que dans le supérieur, de 1912 à 1945, c’est à dire pendant trente trois ans. Très désireux de connaître d’autre pays que le mien, je suis parti pour l’Algérie à Philippe ville.
Interrompue par la Première Guerre mondiale ( 1914-1918) j’ai été mobilisé dans un régiment de zouaves, le 4e, et envoyé au Moyen Orient ( Dardanelles ,Serbie) puis j’ai occupé un poste en Italie, et au Maroc ou là et l’essentiel de ma carrière .
En 1940, lors de la Seconde Guerre mondiale, j’enseignais au Maroc au lycée Gouraud de Rabat la Rhétorique Supérieure aujourd’hui la Khâgne. Je fus mobilisé sur place dans ma profession vu mon âge.
En 1945, j’ai pris une retraite anticipée mais j’ai continué à y séjourner pendant une dizaine d’années.
Car j’ai profondément aimé le Maroc. En 1955, nous avons ma femme et moi quitté l’Afrique du Nord pour nous établir à Nice.
C’est dés mon enfance que m’est venu le goût d’écrire, mais d’abord j’ai été attiré par la poésie.
Un prix littéraire, à treize ans, m’a engagé dans cette voie. J’ai donc composé de nombreux poèmes qui ont abouti à une vaste trilogie : les Poèmes de l’espoir. L’influence de Dante et des grands romantiques français y était sensible. Mais vers ma trentième année, j’ai reconnu l’insuffisance de ces monumentales compositions et je l’ai ai abandonnées.
De dépit et par réaction, je me suis tourné vers la prose et j’ai écrit trois romans. Ils sont marqués par des écrivains dit à cette époque d’avant garde: Max Jacob, Cocteau, Apollinaire, Giraudoux .Ce sont ainsi des exercices acrobatiques de style qui m’ont rapidement déçu. Là n’était pas mon authentique nature, ni ma vocation. J’ai cherché et finalement j’ai trouvé ce que je devais faire pour exprimer ce que j’étais profondément, en écrivant Le Sanglier (1932)
De ce roman date une seconde et définitive manière, dont les pièces maîtresses en sont : l’Ane culotte, le Mas Théotime, Hyacinthe, Malicroix, et le Récif. Au total, une vingtaine de romans qui m’ont valu la notoriété.
Notoriété confirmée par plusieurs grands prix littéraires : Grand prix national des lettres Françaises, Prix Renaudot, ambassadeurs, grand Prix de la littérature de l’Académie française.
Aux récits romanesques se sont ajoutés des essais comme Sites et Mirages composé à l’initiative du peintre Adrien Marquet pour accompagner certains de ces tableaux sur Alger, puis une traduction de l’Apocalypse de Saint Jean d’après la Vulgate et le texte grec et ornée de 40 dessins en deux couleurs réalisés par Edy Legrand, et édité par la galerie Derche de Casablanca.
C’est au Maroc que j’ai rédiger la plupart de mes livres mais, paradoxalement le Maroc, n’y tiendra qu’une place très relative, hormis quelques poèmes, textes dispersés dans des revues, et un roman l’Antiquaire qui se déroule en partie dans l’atlas. Puis j’ai rédigé une sorte de mémorial de ces années marocaines édités en 1948, sous le nom « Les Pages Marocaines » Accompagnées de 40 gouaches originales réalisées par mon ami le peintre Louis Riou. Ce livre sera partiellement réédité ; par Gallimard sous le titre Des Sables à la mer.
Une grande partie de ces ouvrages ont été traduit en Anglais, allemand, espagnol, italien, néerlandais polonais, japonais, coréen.
Tout œuvre de quelque importance est toujours l’expression d’une nature, celle de son créateur. Ce sont ses propres forces qui l’animent pour moi dans mon œuvre c’est mon sang, mon pays natal, mon expérience du monde.
Mon sang qui est italo-provençal, est aussi loin que je remonte, de race méditerranéenne. De là, une prise solide du concret, de l’amour des formes, de la ligne et de la lignée. C’est mon goût passionné de la vie, tant de ses jouissances que de ses beautés et de ses grandeurs.
J’aime les objets pleins, les corps mesurables et intelligibles, mais doués de présence.
Don essentiel car, qu’ils soient de ma main ou non, je leur attribue spontanément ce don.
C’est par excès de plénitude qu’ils le rendent sensible. Ils sont pour moi plus qu’ils ne sont.
Et cela toujours et partout, irrésistiblement. C’est ce surplus que je sens, que je vois, que je touche.
Une émanation magnétique. Leurs âmes, sans doute leur dieu intérieur. En fait dans cette vision, tout objet est un objet magique et plus il est dense, plus il est strictement façonné, plus il contient d’énergie intérieure, plus ses émanations sont communicatives. Intensément magnétisé. Il n’est rien au monde qui n’aimante et ne s’aimante. Rien n’existe qui soit séparé de tout. Entre la matière et l’âme passent des courants. De même entre l’âme et tout l’univers.
Le poète est posté au lieu privilégié où se croisent ces forces .Elles le traversent, l’émeuvent, et il les exprime. Mais pour y réussir, il faut qu’il soit un don. La vertu de pouvoir sortir du monde purement logique où banalement nous vivons, pour atteindre un état mental qui lui permette de capter ces ondes et les communiquer par des mots.